
Le décret n° 2025-840, publié au Journal officiel le 24 août 2025, marque une avancée significative dans la protection des données personnelles des dirigeants d’entreprise. Désormais, ces derniers peuvent demander l’occultation de leur adresse personnelle dans les registres officiels, via une procédure simplifiée accessible par le guichet unique.
Objectifs du décret
Ce texte vise à protéger les personnes physiques exerçant des fonctions dirigeantes ou étant associées indéfiniment responsables dans des sociétés immatriculées au Registre du commerce et des sociétés (SAS, SARL...) ou au Registre national des entreprises.
Il répond à une préoccupation croissante : limiter les risques liés à l’exposition publique des coordonnées personnelles, notamment en cas de litiges, de harcèlement ou de menaces.
Quels documents sont concernés ?
L’occultation s’applique aux documents tels que :
- L'extrait Kbis de la société
- Les actes et pièces déposés au greffe (statuts, procès-verbaux, etc.)
- Les données du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE),
L'entrepreneur doit se charger lui-même d'effacer les adresses personnelles sur les documents envoyés au greffe (PV d'AG...)
Une procédure simple et rapide... en théorie !
La demande de confidentialité se fait à tout moment via le guichet unique géré par l’INPI.
Une fois la demande déposée :
- Un récépissé est remis au dirigeant.
- Le greffier dispose de cinq jours ouvrables pour traiter la demande.
En cas de non-respect du délai, le dirigeant peut saisir le juge commis à la surveillance du registre.
A part pour l'extrait KBis généré par le greffe, le dirigeant doit fournir lui-même une version occultée des documents concernés, à savoir:
- Une copie du document (acte ou pièce) dans laquelle l’adresse personnelle est occultée par ses soins.
- Cette version modifiée est ensuite publiée par le greffier en remplacement du document original.
- Le document original, contenant l’adresse complète, est conservé pendant un an à titre de pièce justificative.
L’occultation peut être réalisée par masquage ou suppression de la ligne d’adresse, tant que le reste du document reste lisible et conforme aux exigences légales.
Il n’est pas précisé de format technique mais il est recommandé d’utiliser un format PDF signé ou scanné, garantissant l’intégrité du contenu.
En pratique, préparez votre logiciel pdf... et votre porte-monnaie !
Nous avons testé la mise à jour au guichet unique. Et la procédure est plutôt fastidieuse.
Tout d'abord, il faut avoir un compte sur le Portail e-procedures (autrement appelé Guichet Unique). Si la création d'un compte est simple et gratuite, il n'en va pas de même du certificat de signature électronique qualifiée. Il est en effet nécessaire de s'en procurer une auprès d'un fournisseur agréé qui va notamment vérifier votre identité et vous remettre la clef usb... en main propre !
Il est nécessaire d'avoir une clef de signature électronique pour cette formalité
Une fois connecté au portail, aucun menu n'est particulièrement évident pour réaliser la procédure.
En effet, il faut cliquer sur le bouton "Déposer des actes", puis entrer le numéro SIREN de la société dans la partie "Modification, cessation, dépôt d'actes, correction ou complétion". D'ailleurs, si vous êtes dirigeant(e) ou associé(e) de plusieurs sociétés, cela implique que vous devez répéter la procédure complète pour chacune d'elles.
Plusieurs étapes vont vous permettre de mettre à jour les documents (actes).

A la première étape, répondez "oui" sur la question suivante.

Sur l'étape suivante, vous allez voir la liste des actes déposés au greffe depuis la création de la société. Il va falloir bien vous organiser pour parcourir et éventuellement modifier les documents. Car tous ne contiennent pas forcément d'adresse personnelle, comme par exemple les PV d'assemblée. Donc il s'agit de procéder méthodiquement:
- Cliquer sur le document pour le visualiser
- Si le document contient une adresse, cocher la case pour signaler qu'une modification est à apporter et cliquer sur l'icône de téléchargement pour récupérer l'acte dans un dossier de votre ordinateur
- Editer le document avec votre navigateur web Edge ou Chrome. Avec Edge, cliquer sur le bouton "Dessiner" et choisir l'épaisseur du trait (à mettre en noir). Rayez toutes les mentions contenant une adresse personnelle.
Une fois vos modifications faites, passez à l'étape "pièces jointes" pour uploader tous vos documents modifiés. Le portail reprend uniquement les documents cochés à l'étape précédente et propose de charger chaque document séparément.
Il vous faut encore remplir un document : la demande de confidentialité à remplir avec vos noms, prénoms et société, et surtout en listant de nouveau l'ensemble des pièces modifiées. Vous trouverez ci-dessous un modèle au format word.
Pour la mise à jour d'un acte, il faudra débourser 66,91 euros TTC sans compter l'acquisition d'une signature électronique
Et maintenant pour valider le dossier, il faut payer ! Voici un exemple de tarifs pour 3 actes modifiés.

Comme vous pouvez le constater, il faut payer 7,63 euros TTC pour chaque acte modifié. Soit un montant minimum de 66,91 euros TTC pour le dossier complet si vous n'en modifiez qu'un seul. Et beaucoup plus si l'historique des actes de la société est longue !
Et pour les nouveaux actes ?
Par la suite, si vous souhaitez conserver la confidentialité des informations lors d'une modification de votre société, il vous faudra fournir à la fois le document original mentionnant votre adresse personnelle (version confidentielle) et celui offusquant celle-ci (version publique).
Concrètement, tout se joue à l'étape « Pièces jointes » :
- Cochez la case « Je demande que ce document ne soit pas diffusé publiquement et joins une version publique ci-dessous » pour le procès-verbal.
- Joignez une version publique (procès-verbal sans les adresses) et une version confidentielle (procès-verbal complet avec les adresses).
- Joignez le justificatif de confidentialité (cf ci-dessus) dans la rubrique « Pièces supplémentaires » en cliquant sur « Ajouter des pièces jointes » puis en sélectionnant « Justificatif de la demande de confidentialité ».
La synthèse affichera les mentions « ACTE – Version publique » et « ACTE – Version confidentielle ».
Attention à la domiciliation du siège social
Il est important de noter que cette mesure de confidentialité n’a aucun effet si le siège social de l’entreprise est domicilié à l'adresse personnelle du dirigeant.
Dans ce cas, l’adresse reste visible dans les documents officiels, car elle est considérée comme celle de l’entreprise.
Pour contourner cette problématique, il est vivement recommandé d’opter pour une solution de domiciliation commerciale. Cela permet de séparer clairement les sphères privée et professionnelle, tout en bénéficiant d’une adresse dédiée à l'entreprise.
A ce titre, l'entrepreneur peut choisir une adresse de société dans une ville différente de celle de son domicile personnel. Par exemple, une domiciliation d'entreprise à Paris tout en résidant en province.
Qui peut encore accéder aux données ?
Malgré l’occultation publique, certaines entités conservent un accès légal aux informations :
- Les autorités judiciaires et fiscales
- Les organismes sociaux (URSSAF, MSA…)
- Les administrations compétentes
- Les associés et créanciers, sous conditions strictes
Une mesure attendue et alignée sur les pratiques européennes
Ce décret s’inscrit dans une logique de conformité avec les standards européens, où la divulgation des adresses personnelles des dirigeants n’est pas systématique. Il répond également aux recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et aux attentes exprimées par les professionnels du droit et de la gouvernance.