La procédure de sauvegarde

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Une procédure de sauvegarde judiciaire peut être demandée par une entreprise traversant des difficultés d'ordre économique, juridique, social, ou financier. Cette procédure préventive doit permettre de maintenir les emplois, d'assurer l'apurement du passif et la réorganisation de l'entreprise, par la mise en place d'un plan de sauvegarde.

La procédure doit être demandée au tribunal avant que la société ne soit en cessation des paiements. L'objectif est d'empêcher la liquidation de l'entreprise et de relancer l'activité économique.

Qui est concerné ?

La procédure de sauvegarde peut être demandée par  :

  • toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale)
  • les autres personnes morales de droit privé (une association, par exemple)
  • les micro-entrepreneurs
  • les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) uniquement sur le patrimoine affecté à l'activité professionnelle.

La demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être faite que par le représentant légal de l'entreprise ou le débiteur personne physiqueElle ne peut être exigée par un créancier ou un tiers.

Les étapes de la procédure

L'ouverture

Le représentant légal de la société demande l'ouverture de la procédure au greffe dont dépend l'entreprise :

  • le tribunal de commerce si le débiteur est commerçant ou artisan
  • le tribunal de grande instance (TGI) dans les autres cas.

La demande comprend plusieurs intercalaires relatifs à la nature des difficultés rencontrées par l'entreprise, aux raisons pour lesquelles elle n'est pas en mesure de les surmonter, aux perspectives de redressement. 

Déposée en six exemplaires, elle est accompagnée :

  • des comptes du dernier exercice ainsi qu'une situation de trésorerie, le compte de résultat prévisionnel et une estimation des revenus futurs
  • de l’attestation de l'immatriculation auprès du registre du commerce et le numéro d'identification de l'entreprise (numéro K-bis)
  • du nombre des salariés et du montant du chiffre d'affaires, à la clôture du dernier exercice comptable
  • d'un état chiffré des dettes dues aux créanciers, ainsi que le nom, l'adresse des créanciers et les montants des sommes à payer pour chacun d'eux, au cours des 30 derniers jours précédant la demande
  • de l'état actif et passif des sûretés et des engagements hors bilan
  • l'inventaire des biens sont établis à la date de la demande ou dans les 7 jours avant (l'inventaire des biens affectés à l'exercice de l'activité en difficulté, pour une EIRL)
  • nom et adresse des représentants du comité d'entreprise (CE) ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés
  • attestation sur l'honneur certifiant l'absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les 18 mois précédant la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l'ouverture de la procédure ainsi que l'autorité qui y a procédé, ces informations ne concernant que l'activité en difficulté lorsque la demande est faite par une EIRL.

Pour Paris, une provision de 300 euros est demandée au débiteur au moment du dépôt de la déclaration au greffe. Elle englobe les premiers frais engagés (insertions au BODACC et dans les journaux d'annonces légales, frais de jugement et de signification, etc.).

Une fois les pièces réunies et le dossier étudié, le tribunal rend un jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde dans lequel il désigne le juge-commissaire mais aussi deux mandataires de justice :

  • un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers
  • éventuellement, un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister dans ses actes de gestion. Cet administrateur n’est pas obligatoire si l’entreprise concernée a moins de 20 salariés et son chiffre d’affaires HT est inférieur à 3 millions d’euros.

Le greffier envoie le jugement au débiteur dans les huit jours suivants, ainsi qu'à l'administrateur et au mandataire judiciaire désignés, au procureur de la République et au trésorier-payeur général du département dans lequel le débiteur a son siège. Le jugement est mentionné au registre du commerce et des sociétés. Le greffier procède d'office aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement (avis de parution au BODACC et dans un journal d'annonces légales).

Le juge doit également envoyer une lettre circulaire à chaque créancier énuméré par la société pour les informer de l'ouverture de la procédure. Il est cependant fortement recommandé au dirigeant de l'entreprise de les en informer avant. Après la publication dans le Bodacc, ils ont deux mois pour répondre au juge (quatre s'ils sont étrangers) sur la véracité des dettes. 

Les effets de la procédure

La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l'activité de l'entreprise. D'autres peuvent aggraver la situation déjà fragile de l'entreprise. En conséquence, l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours.

Le directeur et les autres associés ont le droit de garder leur salaire. L'AGS (assurance pour la garantie des salaires) n'intervient pas dans le processus, l'entreprise ayant toujours des liquidités. Cependant, elle peut être nommée contrôleur pour la surveillance de la procédure avec les représentants des créanciers. Il en est de même pour les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage.

Dans la procédure de sauvegarde, l'entreprise n'est pas à vendre.

Le jugement interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement. Il arrête le cours des intérêts (conventionnels, légaux, notamment) et majorations, à l'exception des prêts de plus d'1 an et des garants du débiteur.

Il est interdit au débiteur :

  • de payer toute créance antérieure au jugement d'ouverture
  • de payer toutes les créances postérieures, sauf si elles sont nées après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, ou s'il s'agit de créances alimentaires.

Le dirigeant n'est pas dessaisi de la gestion de l'entreprise. L'administrateur n'exerce qu'une mission de surveillance ou d'assistance.

La période d'observation

Cette période sert à effectuer un bilan économique et social de l'entreprise et à étudier ses possibilités de rétablissement.

Les dettes de l'entreprise antérieures à l'ouverture du processus sont temporairement mises de côté, et un nouveau compte bancaire est ouvert pour les nouvelles opérations.

Le débiteur établit lui-même l'inventaire des biens de l’entreprise, à moins qu'il préfère demander au tribunal de désigner un expert pour le réaliser. Cet inventaire doit être certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable.

La période d'observation dure six mois et est renouvelable deux fois, sans pouvoir dépasser les 18 mois.

Une fois la période d'observation terminée, trois possibilités s'offrent au débiteur :

  • l'entreprise n'a plus de difficultés, la période d’observation est terminée et la procédure de sauvegarde sera alors fermée
  • lorsqu’il existe de sérieuses possibilités de sauvegarde de l’entreprise, le tribunal va arrêter un plan de sauvegarde mettant fin à la période d’observation
  • si le maintien de l’activité s’avère impossible, la procédure de sauvegarde se transforme en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

Le plan de sauvegarde

Le plan de sauvegarde peut durer jusqu'à 10 ans. Il doit permettre au débiteur de poursuivre son activité, de maintenir l'emploi et de rembourser ses dettes. 

Afin de définir le plan, l'administrateur établit le bilan économique et social de l'entreprise, qui précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise. De son côté, le mandataire judiciaire dresse la liste des créances déclarées qu'il transmet au juge-commissaire.

Le plan adopté par le tribunal, indique d'abord les mesures économiques de réorganisation de l'entreprise, prévoit les modalités de règlement des dettes. Son contenu est variable : il peut être décidé de changer de structure sociale, de céder ou au contraire d’ajouter une activité. 

Le tribunal nomme l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution.

Le cas de la sauvegarde accélérée

L’ordonnance du 12 mars 2014 a mis en place une procédure spécifique, la sauvegarde accélérée.

La procédure concerne uniquement l'entreprise :

  • dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou par un expert-comptable
  • dont le nombre de salariés est supérieur à 20, ou le chiffre d'affaires supérieur à 3 millions d'euros hors taxes ou le total du bilan supérieur à 1,5 million d'euros à la date de clôture du dernier exercice comptable
  • qui a établi des comptes consolidés.

Elle ne peut être ouverte qu'à la demande du représentant légal de l'entreprise (ou le débiteur personne physique). L'entreprise doit être dans une phase de conciliation au cours de laquelle elle a élaboré un projet de plan avec ses principaux créanciers. L'entreprise peut être en cessation des paiements, à condition que cet état soit inférieur à 45 jours à la demande d'ouverture de la procédure de conciliation.

La procédure permet au débiteur de finaliser l'élaboration d'un projet de plan avec ces principaux créanciers (financiers et fournisseurs) dès le stade de la conciliation. Ce plan produit ses effets à l’égard de tous les créanciers antérieurs au jugement mais les salariés et les créanciers alimentaires ne sont pas concernés.

À défaut de plan dans le délai de 3 mois, le tribunal met fin à la procédure.

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